Cette statistique sur le marché caché de l’emploi nous est balancée de partout et j’ai voulu savoir ce qui en était vraiment.
L’exagération
Le chiffre varie d’une personne à l’autre mais il se stabilise généralement à 80%.
- Les sites d’information sérieux citent les conseillers en emploi, car ce sont habituellement eux qui nous rappellent cette bonne vieille statistique sur le marché caché;
- C’est souvent parmi l’une des premières choses révélée aux immigrants à leur arrivée et on le diffuse également outre-mer;
- Emploi Québec propage également la donnée.
Mais qu’en est-il vraiment? Parce que là, sérieusement, j’ai des doutes. Et mes collègues aussi.
L’origine
La source, je la cherchais depuis bien longtemps, mais j’étais incapable de mettre la main dessus! Un matin toutefois, alors que je lisais la section emploi Jobboom dans le 24h, comme à tous les lundis, j’ai lancé mon café dans les airs, vigoureusement: « J’ai trouvé! » . Je n’avais peut-être pas d’études entre les mains, mais au moins, je tenais l’instigatrice. *
Un petit appel à l’Association des centres de recherche d’emploi du Québec s’imposait.
Et des excuses pour le petit mexicain, plein de café (autrefois assis et maintenant debout), dans le métro…
L’appel
Je me suis fait accueillir chaleureusement, du beau travail. La fille en a fait sa mission: elle me trouverait cette réponse!
Elle me référa donc à l’un des livres de Serge Fournier**.
Je le commande, et j’attends. Deux semaines s’écoulèrent, à pondre d’autres textes dont j’avais plus ou moins envie. J’attendais ce qui serait, dans mon cœur de recruteur, la révélation de l’année 2013.
La révélation de l’année 2013
Elle est là! L’enveloppe est dans ma boîte aux lettres!
Après quelques stepettes dans l’entrée, en remuant mes clés, pas, pas d’enlever mon manteau, je me garoche sur le livre…
Page 108. Elle s’y trouve, si tendre et moelleuse:
« (…) 75% des retours en emploi se font grâce à l’information de sources informelles, telles le réseau des relations sociales, personnelles, et professionnelles du chercheur et le contact direct avec les employeurs et non en recourant à des sources formelles telles les journaux, les services publics d’emploi ou encore Internet. »
(Données ACREQ, 1984-2000)
Ouin ok je veux bien, mais il s’en est brassé des affaires depuis l’an 2000! D’ailleurs, 0,21% par Internet ça ne fait plus de sens!
Est-ce qu’il y a plus récent?
Les autres études
- Merci à cet article de Réseautage 2.0, qui a su m’indiquer la voie sur cette question aux réponses très limitées :
« Au grand maximum, 60% des emplois disponibles à un moment donné passent par les canaux usuels : centres ou agences pour l’emploi, les journaux et les divers sites internet. Sans internet, comme nous le disions dans nos écrits précédents, cette statistique tombe à 18%! Donc même avec tous ces supports informatiques, plus de 40% des emplois disponibles à un moment donné ne sont pas répertoriés par les canaux usuels les plus modernes. »
(Limoges, Lemoine et Lampron, 2008)***
- Merci également à Cybele Rioux (@alizeRH) pour son cette étude-maison (sondage) réalisée auprès d’une trentaine de répondants:
« 56% des employeurs affichent 90% et plus de leurs postes.»
(Cybèle Rioux, 2012)
- Ajout (31-05-2013) : Benoît Desgroseillers du Centre de Gestion de Carrière de l’ ESG UQAM, nous donne l’heure juste dans son tout nouveau livre, « Guide Express pour votre carrière dans le Québec inc. »
« Afin de valider cette « théorie » , le CGC a réalisé une étude sur les pratiques de dotation. Nous avons sondé plus de 200 recruteurs provenant de tous les horizons et leur avons demandé quelle proportion de leurs mandats étaient pourvus en suivant les voies non habituelles. Les résultats obtenus sont de l’ordre de 32%
(Benoit Desgroseillers, 2013)****
La réflexion
Le fameux 80% n’est plus? On parlerait de 30-45%? Scandale!
C’est le moment où je peux analyser les statistiques comme bon me semble, mais aujourd’hui, j’ai juste envie de vous dire qu’il y a probablement plus de postes affichés que vous ne le croyez:
- Les sections carrières et les systèmes de gestion de candidature continuent d’envahir le Québec Web, Ce n’est pas fini!;
- L’affichage est la solution réactive par excellence pour les conseillers en ressources humaines, qui ne gèrent habituellement pas leurs bases de données de près;
- Les agences affichent la plupart de leurs postes. Elles veulent montrer qu’elle sont actives;
- Etc.
Ne vous découragez donc pas trop vite quant aux affichages. Une grande partie de vos recherches en dépend toujours. D’ailleurs, pour obtenir ces emplois affichés, avez-vous entendu parler du… « réseautage » ? C’est une blague. C’est vrai que le réseautage est important mais je veux terminer en vous disant que le CV est loin d’être mort…
À la rédaction! Des affichages de poste vous attendent.
* Où dénicher les offres d’emploi. 24h. Édition du 14 janvier 2013.
** Fournier, Serge. Le Club de recherche d’emploi, Une intervention communautaire en employabilité. Éditions de L’Acreq.
*** Limoges, J., Lemoine, G. et Lampron, C. (2008). Zoom sur la dimension Lieu du processus de recherche d’emploi. Sainte-Foy : Septembre éditeur.
**** Desgroseillers, Benoit (2013). Guide Express pour votre carrière dans le Québec inc.
Merci d’avoir pris le temps de clarifier et documenter cette statistique qui est vraiment désuète. C’est une méthode qui a été mise en place lorsque l’offre était plus grande que la demande. Ce qui n’est pas du tout le cas actuellement.
Et merci pour votre commentaire! Ça m’a fait le plus grand des plaisirs de documenter la chose!
Bon article! Moi aussi, j’ai toujours trouvé ce chiffre exagéré… Même si un recruteur ou un gestionnaire veut prioriser un contact ou une référence à l’embauche, rares sont les occasions ou j’ai constaté qu’on se limitait à un seul candidat en entrevue. On va souvent compléter ça avec des candidats trouvés sur le Web, des personnes trouvées via les réseaux sociaux, des candidats rencontrés en journée carrière, etc.
Si on prend l’équation à l’inverse, c’est-à-dire du côté de l’employeur, je n’ai jamais vu de compagnies pouvant se vanter d’une proportion de 80% d’embauches venant de contacts/references!
Merci Maxime! Héhé c’est bien vrai qu’on aimerait ça avoir autant de références, 80%, bon indice de mobilisation ;)
Je confirme qu’en janvier 2014 le chiffre de 80% est toujours d’actualité lors des réunions d’informations d’Emploi Québec.
Merci pour l’information, en souhaitant que mon article fasse son bout de chemin!
J’en suis à mon troisième poste de direction et je peux vous affirmer que j’affiche, depuis un bon bout de temps, les emplois disponibles sur internet et quelquefois dans des journaux locaux.
J’ai déjà embauché des personnes via le contact direct. Or, dans ces moments, il est vrai que nous ne sommes pas nécessairement en mesure de comparer ces candidatures avec d’autres. Ceci dit, ces embauches ont été plus souvent infructueuses que positives. Je préfère donc afficher large sur divers médias et avoir un bon choix de candidats par la suite.
Finalement, la majorité de mes emplois professionnels ou de cadre ont été trouvés sur le Web. En outre, c’était des emplois de qualité.
Bonjour Serge, votre commentaire est très apprécié et saura certainement en rassurer plus d’un! Merci!
Le premier auteur qui a parler du marché caché est Daniel Porot en 1976 dans son livre régulièrement mis à jour qui a pour titre : Trouver une nouvelle situation,
que tout conseiller en recherche d’emploi devrait connaître.
À mon avis, c’est un peu plus complexe que cela. L’affichage des offres a certe augmentée avec l’utilisation d’internet mais l’embauche se concrétise surtout via le marché caché. C’est ce que j’observe dans ma pratique et dans ma région. Les contacts entre les RH des entreprises, les prises d’information de façon informelle, les rencontres d’information obtenues par les chercheurs d’emploi avec une personne responsable de l’embauche… D’ailleurs, une enquête réalisée par Emploi Québec dans la région de Chaudière-Appalaches sur les besoins de main-d’oeuvre et les caractéristiques de cette région démontre que dans les moyens utilisés pour l’embauche on constate que la recommandation de candidat par quelqu’un de l’établissement arrive en première place avec 82.5% suivi de près par la banque de cv interne avec 77% (des offres de service spontanées). Je vous invite d’ailleurs à prendre connaissance de cette enquête : http://emploiquebec.gouv.qc.ca/uploads/tx_fceqpubform/12_etude_enquete_regionale_Chaudiere-Appalaches_2013.pdf
question …quand n’est-il des emploi afficher a l,interne compte t’il dans les emplois non afficher quel pourcentage occupe t’il
Pourquoi ne pas utiliser seulement le profil LinkedIn?
Il y a tout ce que les gens de RH cherchent, expériences, références, descriptifs tâches, même photo(qui n’est pas à la mode au Québec, plus en Europe), intérêts.
Mystère pour moi
Au moment où les chercheurs d’emploi auront fait le saut, ça viendra, mais dans plusieurs années…
Merci d’avoir pris le temps de la réflexion et de l’avoir étayée par des statistiques. Il fallait à un moment ou à un autre battre en brèche cette information qui ne reflétait plus la réalité en 2014, même s’il est encore vrai qu’une part importante des offres d’emploi comblées le sont par le biais du marché caché.
Toutefois, il est aussi vrai que le pourcentage de 80% peut à priori être vérifié dans certaines localités ou villes de petites tailles (ex : lac saint-jean est( Alma, Roberval, Saint-félicien), …)
Je convient aussi que c’est un discours « prêt à emporté » qu’on sert aux nouveaux immigrants.
En conclusion, je ne pense pas qu’un chef d’entreprise digne de ce nom, recherchant le candidat avec le meilleur rapport compétence/rapport sociale ou compétence/travail d’équipe puisse ne pas se servir de toute les nouvelles formes de communications du 21e siècle, d’autant que ça permet d’avoir sous la main un large panel de candidature pour un poste.
Belle réflexion de votre part.
J’aimerais votre aide pour obtenir la liste d’employeurs dans ma ville de Québec des emplois cachés ou me dire comment faire pour l’obtenir si vous ne pouvez me la procurer merci
ce site web de permet de trouver les entreprises du Quebec . http://www.icriq.com/fr/ c’est un répertoire des entreprises du Quebec.
tu peux aussi utiliser le site emploi Quebec.
Très bel article Matthieu!
Je suis du même avis que toi.
En tant que conseiller en employabilité au sein d’une entreprise d’insertion et d’économie sociale, je suggère à nos chercheurs d’emploi de ne plus se fier au paradigme du 80-20 mais plutôt de voir les différentes façons de chercher un emploi comme un tout dans son ensemble qui varie selon les secteurs d’emploi. Je privilégie les échanges directs avec les employeurs dans les cas où c’est possible et coach mes clients à bien utiliser les médias sociaux, les sites de recherche d’emploi ainsi qu’à bien définir leurs offres de services (CV, lettre et portfolio).
Voici un récent article retrouvé sur le site d’Emploi-Québec indiquant que les données de 80-20 sont rendus caduques: http://www.emploiquebec.gouv.qc.ca/fileadmin/fichiers/pdf/Regions/Montreal/06_imt_bulletin-MTI_201502.pdf
Dommage la page est introuvable !
Très bel article Matthieu!
Je suis du même avis que toi.
En tant que conseiller en employabilité au sein d’une entreprise d’insertion et d’économie sociale, je suggère à nos chercheurs d’emploi de ne plus se fier au paradigme du 80-20 mais plutôt de voir les différentes façons de chercher un emploi comme un tout dans son ensemble qui varie selon les secteurs d’emploi. Je privilégie les échanges directs avec les employeurs dans les cas où c’est possible et coach mes clients à bien utiliser les médias sociaux, les sites de recherche d’emploi ainsi qu’à bien définir leurs offres de services (CV, lettre et portfolio).
Voici un récent article retrouvé sur le site d’Emploi-Québec indiquant que les données de 80-20 sont rendus caduques: http://www.emploiquebec.gouv.qc.ca/fileadmin/fichiers/pdf/Regions/Montreal/06_imt_bulletin-MTI_201502.pdf
Je dirais que le pourcentage peut être vrai ou faux dépendant du type d’emploi. Pour un poste non qualifié, je suis pas mal sûre que c’est vrai. Pour des postes de technicienNEs, c’est déjà moins évident.
Mais pour recruter unE professionnelLE, je ne me fierais pas seulement au bouche-à-oreille! Le roulement de personnel est un coût bien réel, et mal embaucher ou mal recruter c’est encourir des coûts inutilement.
J’ai été recrutée, et j’ai recruté comme propriétaire de TTE alors j’ai vu les deux côtés de la médaille
Cette statistique a une carrière fructueuse jusqu’à aujourd’hui inclusivement. Et si elle était une table, elle serait ronde (ou cette autre entité ayant donner sa source à l’expression: tourner les coins ronds). Du 75% initial au 80%, puis du « Retour au travail » initial à l' »Embauche tout court » d’aujourd’hui, on n’a pas chicané sur les détails.